Ce vendredi 23 mars 2012, Christophe Pilleux, responsable de l'Organisation nationale de crise du parc nucléaire d'EDF, a décrit le fonctionnement et les évolutions prévues en matière de gestion de crise dans au sein du parc électronucléaire français. Présenté dans le cadre d'une réunion de l'Association française des ingénieurs et techniciens de l'environnement (Afite), l'exposé a mis l'accent sur le déploiement de la Force d'action rapide nucléaire (Farn).
Annoncée en avril 2011 par Henri Proglio, président directeur général d'EDF, la création de la Farn a abouti en octobre au déploiement d'une "tête de série" à la centrale de Cattenom (Moselle). La mise en œuvre opérationnelle interviendra au 15 octobre 2012 pour être finalisée fin 2014. Un délai qui "peut être frustrant aussi bien en interne qu'en externe", concède Christophe Pilleux.
Intervenir sur deux réacteurs
"Ce n'est pas la perfection mais la robustesse qui nous préoccupe", explique le représentant d'EDF pour décrire l'approche globale de la gestion de crise chez l'électricien. Une robustesse qu'EDF entend améliorer en tenant compte des différents évènements affectant son parc nucléaire ou celui de ses concurrents.
Dans ce contexte, la Farn est une des solutions apportées par EDF pour répondre aux accidents majeurs qui dépassent les événements pris en compte pour le dimensionnement des installations. Sa création s'inscrit dans le cadre des retours d'expérience post-Fukushima, "un accident hors dimensionnement et inacceptable", et de l'inondation la centrale du Blayais (Gironde) en décembre 1999. Son objectif prioritaire est de "confiner les effluents ou déchets radioactifs" explique Christophe Pilleux, précisant que cela peut passer notamment par "la réinjection des effluents dans l'enceinte".
La première évolution sensible dans la gestion de crise élaborée par EDF est la prise en compte d'accidents simultanés sur plus d'un réacteur. En effet, les évènements survenus à Fukushima (quatre tranches accidentées) comme au Blayais (trois réacteurs mis successivement à l'arrêt) montrent qu'il est possible que plusieurs tranches soient touchées. La Farn est donc dimensionnée pour pouvoir intervenir simultanément sur deux réacteurs d'un même site.
Des moyens dédiés
S'agissant des moyens techniques, elle disposera des matériels indispensables au rétablissement des alimentations en eau, en électricité et en air comprimé afin de "suppléer ou compléter les moyens locaux". Une mise en œuvre qui s'avère complexe, notamment parce qu'elle impose des modifications des 19 sites regroupant les 58 réacteurs d'EDF pour rendre compatibles les points de connexion avec le matériel de la Force. Une tâche qui sera achevée fin 2014.
En matière de déploiement, elle sera en capacité d'intervenir sur un site en 24 heures en deux vagues. Douze heures après l'accident elle devra être en mesure de réaliser une première reconnaissance et de déployer ses moyens techniques. Les douze heures suivantes sont marquées par la relève de la première équipe et par la finalisation de l'installation de la Force sur le site.
Concrètement, elle disposera d'un état-major basé à Paris et de quatre bases en région où seront disposés les matériels techniques. Au total se sont quelques centaines d'employés qui devraient participer à cette force opérationnelle. Pour chaque base, EDF envisage une organisation en 5 équipes d'astreintes. Chaque équipe de quart sera composée d'une dizaine de personnes et les quarts seront organisés pour que deux équipes puissent agir en relais. Quant au profil des personnels, "il ne s'agit ni de liquidateur ni de super-héros", prévient Christophe Pilleux, insistant sur le fait que "ce n'est pas du tout l'esprit". Par ailleurs, il met en avant le lien qu'auront ces équipes avec les activités opérationnelles d'EDF afin de ne pas démobiliser les personnels d'une Force dont "la vocation est de n'avoir à intervenir qu'une fois tous les 10.000 ans".
Répartition des rôles
Plus généralement, la Farn s'inscrit dans le cadre de la répartition des responsabilités entre EDF et l'Etat qui vise la coordination des moyens selon les échelles locales et nationales et selon la responsabilité de l'opérateur et de l'Etat.
Du côté d'EDF, le Plan d'urgence interne est placé sous la responsabilité du directeur de la centrale concernée avec l'appui de l'Organisation nationale de crise. Ce Plan a pour objet de coordonner les actions afin de déployer les moyens techniques et humains nécessaires au rétablissement de la sûreté et à la limitation des conséquences pour les personnes et l'environnement. Quant à l'Etat, il déploie un Plan particulier d'intervention piloté par le préfet. Ce dernier est épaulé par l'Autorité de sûreté nucléaire et la Direction de la sécurité civile.
Quatre acteurs principaux doivent donc agir de concert : les ministères concernés, le préfet, la direction nationale d'EDF et le directeur du site. Pour cela, des visioconférences sont prévues toute les 1h30 afin de coordonner les actions et "rattraper une faiblesse ou une décision ne faisant pas consensus entre les quatre niveaux", explique le responsable d'EDF, précisant que l'objectif de ce dialogue est d'aboutir à des "points de vue convergents".
Communication cohérente
Une telle organisation s'appuie sur quelque 350 personnes par centrale, 300 personnes au niveau national, des moyens dédiés (le centre de gestion de crise du siège social à Paris et les locaux techniques du Cap Ampere en Seine-Saint-Denis) et des outils de communication interne "robustes". De même, environ 250 exercices, dont au moins deux par an et par site ainsi que 12 au niveau national, permettent d'améliorer l'organisation via les retours d'expérience.
Quant à la communication destinée au public, elle doit éviter d'alimenter les "soupçons" : "une bonne et saine gestion de crise ne peut fonctionner qu'avec une communication cohérente", estime Christophe Pilleux. Pour le responsable d'EDF cette communication devrait traduire le consensus entre les différents intervenants et cela aussi bien sur ce qui conforte leurs analyses réciproques que sur les "éléments de divergence".